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Plongée

 

Martine Debouige

Tous les étés ils abandonnent Courbevoie pendant deux mois et rejoignent le Limousin. Leur père a obtenu le permis de conduire et acheté une voiture. Une Dauphine couleur « coquille d’œuf » ! Dès les premiers jours de juillet ils s’engouffrent tous les quatre dans le minuscule véhicule, le coffre-avant lesté par l’énorme valise familiale. Leur mère y a transposé tout le contenu des armoires de Courbevoie, au cas où...  Le costume du père et son chapeau, ainsi qu’une robe noire et un manteau, en cas de décès. Une robe plus chic qui ira avec le costume — mais avec un autre chapeau — en cas de cérémonie. Une robe plus légère pour visiter les connaissances. De vieux pantalons pour les petits travaux, et des vêtements presque à jeter pour les plus gros. Pour eux, les enfants, shorts et spartiates feront « la rue Michel ».

Cinq heures du matin. C’est le départ et pas moyen de grappiller sur l’horaire avec la stricte discipline du gendarme. Il rejoint sa sœur et le reste des bagages sur la banquette arrière, tandis que son père attrape sa première Gauloise. L’habitacle se brouille dans une odeur familière que la vitre entrouverte a du mal à dissiper. Le mégot d’avant allume la cigarette d’après tandis que la Dauphine surchargée a bien du mal à avaler les kilomètres. Nationale 20… Porte d’Orléans. La Ferté Saint Aubin. Rituel des cafés-crèmes et des croissants frais. Un par personne ! Les mains cherchent le plus gros dans la corbeille, les bouches engloutissent la merveilleuse pâte feuilletée. Les yeux se ferment... le goût des vacances...

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