Écrits à voix haute
Azed Ized
Un poème
Un poème
ça ne s'écrit pas
ça se dit
Un poème
quand arrive la nuit
ça devient une petite lueur
qui allume l'aube dans les têtes
ça naît quelque part dans l'ombre
où les jours martèlent les poètes
Un poème
ça ne s'écrit pas
ça se dit
pour laisser au monde
un coin où vit la chaleur
pour que les hommes s'aperçoivent
que malgré le mal qu'ils boivent
l'espoir peut nourrir les cœurs
Un poème
ça ne s'écrit pas
ça se chuchote
quand au dehors s'avancent des pas
qui écrasent la ville sous les bottes
Et quand parlent les balles
un poème
ça ne s'écrit pas
ça s'étale
flaque rouge devant les yeux
Quand un homme s'éteint dans la souffrance
parce que parfois la vie est triste
et pour certains
pas du tout belle
Dans un poème la vie commence
comme une chanson
dans la tête d'un musicien
C'est un mot
C'est un mot qui appelle
tout ce monde attristé
à résister
à résister
Un poème
ça ne s'écrit pas
ça se vit
quand deux êtres se rencontrent
au coin d'un sourire qui passe
qu'ils se confondent
qu'ils s'enlacent
avec des je t'aime
Des mots
Des mots qui se brisent
sur les moteurs de la ville
Ce qu'ils vivent
Ce qu'ils disent
avec un cœur tranquille
c'est un poème
Un poème
ça se pleure
quand les temps abîment les cœurs
et qu'il ne reste que quelques flèches
Quelques je t'aime
sur les murs de la ville
Un poème
ne peut s'écrire
Il faut le chanter
pour dessiner quelques sourires
sur un printemps qui traverse
sur un soleil qui s'installe
Pour comprendre la langue des fleurs
Pour les voir
quand elles parcellent
la terre de leurs pétales
Un poème
ça redessine le bleu du ciel
Un poème
ça se tremble
quand l'hiver commence
à bouffer les arbres
et le pauvre
Quand la terre ressemble
du fond de son silence
à un sommeil troublé
Un poème
ça se meut
dans les gestes d'un enfant
dans ses rires
dans ses jeux
Ça se voit
dans les rides d'un vieillard
où glisse notre vie
Ça se lève avec le soleil
Ça se couche dans le soleil
Ça ne s'écrit que dans le vent
Et puis ça crie
Et puis ça crie
Un poème
Quelquefois on le traîne
dans ses voyages
comme un rêve
comme un bagage
Et on le chantonne
quand les vagues nous abandonnent
solitaire sur le rivage
Un poème
Ils l'enferment
derrière les murs
derrière les grilles
pour que les brebis restent gentilles
et parce qu'ils ont peur des poèmes
Un poème
Ils le fusillent
parce que quand ça crie
un peu trop fort
ça peut réveiller les morts
Ça peut réveiller les morts